SOMMAIRE
Se libérer du perfectionnisme est un grand classique de demandes de coaching. Le syndrome du « je dois être au top » est le symptôme des injonctions omniprésentes dans nos quotidiens. J’en vois les ravages chaque jour en séances : travail, entrepreneuriat, famille, relation amoureuse et surtout, dans la relation à soi.
Le perfectionnisme est l’ennemi de l’estime de soi.
Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler d’une jeune femme que j’accompagne, appelons-la « Marie ». Marie est lumineuse, un large sourire à chaque rendez-vous. Elle est aimante et généreuse, elle donnerait tout pour ceux qu’elle aime. Absolument tout. Mais si peu pour elle-même… Elle qui n’a le droit d’exister que lorsqu’elle est « parfaite » — autant dire jamais, puisque la perfection n’existe pas. Et c’est très bien ainsi.
Nous apprenons au cours de notre vie à nous émanciper des injonctions, enfin pas tous·tes. Parce que parfois les injonctions ont été trop présentes durant l’enfance. Au point de vous condamner à sans cesse « vouloir bien faire », comme si c’était ça « être quelqu’un·e de bien ».
Pourquoi êtes-vous perfectionniste ?
C’est une question que je pose quasi systématiquement quand vous évoquez le problème.
Pourquoi ce besoin d’être irréprochable ?
Pourquoi cette peur de l’erreur, de l’échec, ou même du regard des autres ?
J’utilise souvent le questionnement socratique. J’aime beaucoup cette méthode qui pousse à investiguer en profondeur, et je trouve l’outil très intéressant en coaching pour se libérer du perfectionnisme.
Voici ce que Marie a verbalisé (et réalisé) : « Si je ne suis pas parfaite, alors qui suis-je ? Qu’est-ce qu’il reste de moi ? »
Ces mots traduisent l’essence même du perfectionnisme : la peur du vide.
Parce que se libérer du perfectionnisme, c’est une quête réparatrice. Celle qui consiste à apaiser un·e enfant qui a trop entendu qu’il·elle devait être sage, brillant·e, docile pour être aimé·e. Peut-être qu’à vous aussi, on a appris, très jeune, que l’amour ou la reconnaissance étaient conditionnés à vos résultats, à vos performances.
Le perfectionnisme naît de l’idée que l’on ne peut être aimé·e ou reconnu·e pour ce que l’on est au plus profond de soi, mais seulement pour ce que l’on fait. C’est là son piège. Il nous pousse à construire des armures pour masquer nos failles, nos doutes, nos parts d’ombre.
Mais à force de vouloir tout contrôler, on finit par s’éloigner de soi-même…
« Je ne suis pas parfaite, je suis bien mieux que ça : je suis moi ! »
C’est la phrase que Marie a choisi de se répéter silencieusement, jusqu’à ce qu’elle puisse enfin les prononcer à voix haute.
Ma méthode 1-2-3 pour se libérer du perfectionnisme
En séance, je vois tant de personnes prisonnières du perfectionnisme et des injonctions de performance. À la longue, j’ai trouvé une méthode assez simple et efficace pour se libérer du perfectionnisme.
Je l’ai donc proposée à Marie, et je la partage ici avec vous.
1. Accueillir ses émotions sans jugement
Face à un échec ou une erreur, pour une personne perfectionniste, le premier réflexe est de se juger sévèrement.
Elle pense : “Je me sens nul·le, mais comment j’ai fait pour rater ça ! J’aurais dû mieux me préparer, ou travailler plus… Les autres sont meilleurs que moi”, etc.
Commencez par essayer l’inverse, c’est-à-dire accueillir l’émotion sans jugement : « Oui, je suis déçue. Oui, c’est difficile. C’est désagréable, peut-être même douloureux, mais je laisse vivre l’émotion. »
Cet accueil permet de laisser passer l’émotion au lieu de la refouler, sans la sur-analyser ni s’y noyer.
Que diriez-vous d’essayer ? Vous seriez étonné·e de voir combien il est libérateur de reconnaître ses émotions avec bienveillance. Ça peut paraître complexe de prime abord, mais ressayer cette première étape de lâcher prise aussi longtemps que nécessaire.
2. Objectiver, comprendre ce qui s’est passé, avec lucidité
Une fois l’émotion apaisée, il devient possible de revenir sur les faits, calmement et sans s’accabler.
Comment maintenant tirer parti d’une erreur ou d’un échec :
Imagine que tu observes la situation de l’extérieur, à la manière d’un·e enquêteur·ice. Tu ne peux pas te permettre de te laisser submerger par tes émotions, tu as une affaire à résoudre ! Tu vas donc prendre ton carnet, ton crayon, et noter les indices.
J’ai proposé à Marie de revenir sur une erreur de jugement qu’elle avait faite au travail, et qu’elle se reprochait vivement :
- Avait-elle les ressources nécessaires ce jour-là, les connaissances, les outils ?
- La consigne était-elle suffisamment claire ?
- Était-ce une fatigue passagère, avait-elle assez dormi ?
- Se peut-il qu’une croyance ancienne se soit réveillée ?
Cette étape, c’est celle de l’analyse constructive. Sans jugement, simplement pour comprendre ce qui s’est produit. C’est celle qui vous permet de comprendre avec clarté de quelles ressources vous aurez besoin à l’avenir.
3. Ajuster et avancer avec compassion
Enfin, il est temps de se demander : Comment ajuster cette situation à l’avenir, pour avancer sereinement ? Cette question, je la pose souvent en séance parce qu’elle ouvre des possibilités concrètes, sans tomber dans la culpabilité.
Marie a découvert qu’elle pouvait s’alléger en :
- Acceptant de déléguer.
- En osant demander plus de clarté à sa supérieure hiérarchique.
- S’octroyant des pauses.
- Modifiant ses attentes, petit à petit.
Avancer avec compassion, ce n’est pas renoncer à ses objectifs 😉
NB : toute méthode demande d’être répétée, mais aussi appropriée. Je vous la transmets pour qu’elle devienne la vôtre, avec votre propre style.
Ravages du perfectionnisme à tous les étages !
Les dégâts personnels
Le perfectionnisme est un miroir aux alouettes. On croit qu’il nous aide à avancer, qu’il nous protège des échecs ou des critiques. Mais il nous emprisonne. On peut essayer de se rassurer avec tous les arguments possibles et imaginables qui valideraient le fait qu’être au top est une philosophie de vie… Se libérer du perfectionnisme est la seule voie de la paix intérieure.
Marie me raconte les journées de travail qu’elle s’impose : des heures de calcul et de relecture à s’assurer que chaque tâche est “parfaite”, irréprochable. Elle relit plusieurs fois ses mails avant de les envoyer, elle reste plus tard que les autres pour rendre ses dossiers, etc. Et elle ressent malgré tout ce sentiment terrible de ne jamais en faire assez…
Marie a toutefois déjà beaucoup travaillé sur elle à la fin de l’adolescence. Aujourd’hui, elle entretient un rapport à son corps et son image assez sain. Elle prend plaisir à s’occuper d’elle, faire du sport, mais avec sérénité. Pourtant, le regard qu’elle portait sur son corps, n’échappait pas aux poids des injonctions : toujours plus mince, toujours plus tonique. Comme si son apparence était un examen permanent où elle devait prouver sa valeur.
Son cheminement lui a fait comprendre l’essentiel : se libérer du perfectionnisme commence par apprendre à se plaire à soi.
Ce que Marie réalise de plus en plus, c’est que son perfectionnisme lui vole l’essentiel : la paix intérieure, la joie simple d’être elle-même. Se libérer du perfectionnisme libère de l’énergie, du temps pour soi et celleux qu’on aime, et nous rappelle ce qui compte vraiment.
Les conséquences systémiques
Nous sommes né·es dans une société qui glorifie la performance. Nous vivons dans un monde où tout doit être optimisé, rentable, impeccable. On valorise les individus qui “donnent tout” sans se plaindre. On admire les parents parfaits, les travailleurs·euses infatigables, les couples sans accroc.
Mais tout cela est un leurre.
Cette injonction à la perfection pèse encore plus lourd sur certaines épaules. Les femmes, notamment, sont souvent enfermées dans des rôles contradictoires : il faut être une mère présente, une compagne aimante, une professionnelle accomplie, tout en restant belle et épanouie. C’est intenable.
« Pourquoi devons-nous toujours prouver que nous méritons notre place ? »
Cette question, je l’ai posée à Marie. Au début du coaching, elle n’avait pas la réponse. Mais elle a compris une chose essentielle : le problème n’était pas elle, mais les attentes absurdes qu’elle avait intégrées.
À lire aussi
Les mirages des injonctions au bonheur
Goût de l’excellence ou perfectionnisme : où est la différence ?
Vous avez le droit d’aimer le beau, le « bien fait ». D’aimer vous investir dans ce qui vous rend fier·e d’avoir donné le meilleur de vous-même.
Le perfectionnisme est souvent confondu avec le goût de l’excellence. Pourtant, les deux n’ont rien à voir.
Le goût de l’excellence est une inspiration, un moteur.
Il nous pousse à nous investir, engager pour nous ou ce qui nous passionne, sans que notre valeur personnelle ne dépende du résultat. À l’inverse, le perfectionnisme est une obsession, un tyran qui nous murmure que “ce n’est jamais assez”.
Marie me disait : « J’ai peur que si je lâche un peu, je devienne médiocre. » Cette peur est légitime. Mais viser l’excellence ne signifie pas se maltraiter. C’est d’ailleurs en s’autorisant à « lâcher un peu » parfois, que l’on revient avec plus de recul.
Se libérer du perfectionnisme est paradoxalement un acte qui favorise la productivité.
L’excellence nourrit, le perfectionnisme épuise.
Quand vous faites quelque chose avec passion, vous avancez dans la joie, même si tout n’est pas parfait. Vous acceptez les erreurs comme des étapes d’apprentissage. Mais quand le perfectionnisme s’en mêle, chaque imperfection devient un échec personnel.
Je fais de mon mieux, et c’est suffisant. Au-delà du mieux, il y a l’épuisement.
C’est ce mantra que j’ai proposé à Marie. Je vous invite à vous l’approprier aussi.
Une dernière réflexion : et si l’imperfection était votre plus belle force ?
Envie d’un dernier argument pour se libérer du perfectionnisme ?
L’imperfection, celle que nous combattons si souvent, celle qui nous fait rougir ou détourner le regard, n’est pas ce que l’on croit. Longtemps, nous avons appris à la voir comme un défaut, une faiblesse à dissimuler. Mais peut-être est-elle tout autre chose.
Je crois profondément que nos failles racontent une histoire. Elles témoignent de notre humanité, de nos échecs surmontés, de nos tentatives maladroites mais courageuses d’avancer.
L’imperfection est vivante. Elle est ce qui nous relie aux autres, ce qui nous permet de dire : “Je ne suis pas seul·e. Je ressens, j’échoue, je réussis, j’essaie encore.”
L’imperfection est créatrice. Elle permet d’apprendre, de s’adapter, de devenir. Elle est ce qui nous pousse à grandir, loin des carcans rigides de la perfection. En réalité, la quête de la perfection nous rétrécit. Elle nous enferme dans l’immobilité, là où l’acceptation de nos imperfections nous libère.
Pour aller plus loin
Le sujet des injonctions à la perfection est vaste. Si vous souhaitez approfondir, je vous recommande les travaux de Brené Brown, notamment son livre “Le Pouvoir de la Vulnérabilité”. Elle y écrit :
« La perfection n’est pas un chemin vers l’excellence. C’est un bouclier qui nous empêche d’être vus pour ce que nous sommes vraiment. »